Mon style ? Pas toujours objectif

J’étais là, assise parmi mes amis dans un café parisien, le genre de café où pullulent belles montures et apollons au style travaillé, à la branchitude consommée -pour ne pas dire camée. Consommée parce que le personnage parisien n’en finit pas de perfectionner sa branchitude, il n’en a jamais assez de se débrancher pour se rebrancher. Il saute de prises de courant en prises de position, se prend les pieds dans des câbles qu’il pète à l’occasion de semaines de la mode, se perd entre le placard de sa grand-mère et celui de sa mère, verse dans le rockeur puis dans le bûcheron. Hachement bien, sauf quand il décide que le bûcheron est un plouc (id est tous ceux qui vivent en dehors de la sphère parisienne) qui s’ignore, il se rabat alors sur le marin, ce vieux loup salin, bûcheron aussi à ses heures terrestres. Le cercle est vicieusement vertueux. D’ailleurs, il n’est pas dit que le parisien branché rejette totalement ce qu’il considère être le style du plouc de base. Le temps d’une durite mal raccordée, il peut lui aussi se laisser aller aux pulls à col rond tricotés par sa grand-mère laissant entrevoir deux petits triangles à carreaux – à fortiori une chemise. Le plouc devient, le temps d’une saison, un atout « transition » pour « casser » le manque d’originalité ambiant et aller vers le plus niché des styles, celui du short court et son duo de chaussettes au-dessus du genou pour protéger les rotules de l’implacable hiver, par exemple. « Casser », ou l’action la plus recommandable pour tout branché qui ne s’ignore pas. « Casser » le noir avec un autre chromosome de couleur. « Casser » le court avec du long, le large avec du serré. Quitte à se casser le bras pour créer une asymétrie d’ensemble, le tout est de « casser ».

J’étais donc là, assise parmi mes amis dans un café parisien, à écouter les uns casser des sucrettes sur les autres, à détailler le monde, à dégrossir la vie, lorsque parvint à moi une mélodie familière et terriblement attachante, des rires incessants parmi lesquels je voulus immédiatement me trouver, une cacophonie bruyante qu’il m’était incapable de déplorer…pour la simple raison qu’il s’agissait d’un petit groupe de Libanais. De leur univers, je savais tout ou presque, jusqu’à l’extraordinaire persistance d’un style. Le 501 et sa chemise Façonnable doublée d’un maillot de corps hygiénique m’attendrirent en une fraction de secondes.

© Mia Sfeir

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6 réponses à Mon style ? Pas toujours objectif

  1. Laurent dit :

    Bravo !! Vous n’êtes pas si machine que cela finalement…

  2. Sadi dit :

    I just noticed your blog

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