Le renard passe passe

Il y a quelques mois, un renard a croisé ma route. Pas le renard rusé qu’on nous sert à toutes les sauces dans les contes pour enfant. Mais un renard doté d’une force de regard peu commune. Je me suis arrêtée sur la chaussée pour l’observer. Il m’a regardée droit dans les yeux. Son intensité m’a déroutée.

Il était sur le point de me dire : « Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde, je serai pour toi unique au monde ».
Il allait même me livrer son secret : « Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Sauf que je n’ai pas eu la chance du Petit Prince.

Mon renard à moi a pris la fuite au premier klaxon de voiture, au loin. Il s’est réfugié derrière d’épais buissons aux odeurs familières, le temps de calmer les battements de son cœur effrayé. Par qui ? Par quoi ? Peur du klaxon ? Peur de moi ? Il m’a laissée en pleine gestation d’un regard qui en disait pourtant long.

Si j’en veux à la voiture ? Pas vraiment. J’étais garée en plein milieu de la chaussée, sur une route qui filait droit vers les étoiles. Je gênais sans doute. Mais je sais aussi que « droit devant soi, on ne peut pas aller bien loin ». Alors je souhaite à la voiture de se perdre en route et au renard d’aimer les battements de son cœur.

– Je crois que tu te trompes sur les intentions du renard. S’il s’est enfui, c’est parce qu’il connaît les ruses du cœur. Il sait que la force d’un battement étouffe les appels de la raison. En observant la voiture arriver au loin, il n’a pu faire abstraction du risque qu’elle déraille et qu’elle te heurte. Il a considéré son cœur et lui a préféré le tien. Ce faisant, il pense t’avoir porté la plus haute considération. C’est ce que certains appellent l’amour sacrifié.

– Je n’ai jamais voulu qu’il sacrifie quoi que ce soit, seulement qu’il accouche des mots que contenait son regard !

– Ce que tu as vu et aimé, c’est précisément la peur que tu as éveillée en lui. C’est les tremblements de son âme effrayée d’avoir peut-être rencontré son amie et soeur. En réalité, à trop vouloir comprendre son regard, tu en as oublié le tien. A trop vouloir écouter ses battements, tu en as délaissé les tiens. Remercie-le d’avoir sacrifié son amour. Il t’a sauvé la vie.

– Mais alors, a quoi peut bien servir un amour sacrifié ?

– A te faire comprendre que l’amour ne supporte aucun qualificatif. Il ne saurait être premier, grand, véritable, absolu, parfait, platonique, impossible, inconditionnel ou sacrifié. L’amour naît et meurt dans un même regard, invisible pour les yeux. Alors souris et tiens toi prête.

© Mia Sfeir
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9 réponses à Le renard passe passe

  1. hady beydoun dit :

    so smile and be ready,
    ready for what may come after the fox,
    and smile at what he has left behind :)

  2. Laurent dit :

    Great come back, mate.

  3. Simon dit :

    Je préfère le « Petit Prince » de Saint-Ex !

  4. Julien Nakache dit :

    Très nice :)

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