Les troubles auditifs de nos politiciens

Vous ne le savez peut-être pas encore mais je suis une grande mélomane. La musique, c’est mon truc. Le piano, les bœufs entre amis, des heures à rêvasser au fond de mon lit. Une thérapie. Dans mes pires moments, je repasse la chanson en boucle entre 99 et 100 fois. Avouez que ça rassure un peu de savoir que Beyonce et Rihanna se sont pris la même gifle que nous. On se sent moins seul.

– Ah ouais, la pauvre. Elle n’a pas compris que les paroles de chansons étaient inventées !
– Non mais en plus t’as vu les références musicales ? Beyonce et Rihanna quoi ! C’est de la mélomanie de haut vol !
– Allez viens on s’casse de ce blog pourri ! Déjà qu’elle fait genre elle écrit, là c’est vraiment prendre les gens pour des cons.

STOOOP ! Calmez-vous les commères ! Je n’avais pas terminé ! Je disais donc que, au cas où vous ne le saviez pas encore, je suis une grande mélomane. En plus de ça, j’ai ce qu’on appelle une oreille musicale. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’elle est absolue. Je ne fais pas partie des 1/10000 chanceux qui l’ont. Mais j’ai juste ce qu’il faut pour faire la différence entre un bon et un mauvais son. Entre le gazouillement de l’oiseau et la pollution sonore.

Et en matière de pollution sonore, au Liban, on est servi. Je ne parlerai pas aujourd’hui des klaxons qui résonnent de façon continue dans les rues de Beyrouth (ça fera l’objet d’un prochain Post). Je ne parlerai pas non plus des feux d’artifice qui font souvent plus de bruit que de lumière. Et, bizarrement, ces friandises sonores ont pour lieu de prédilection la montagne. Ce n’est pas que l’écho est gênant, mais presque (là aussi, ça fera l’objet d’un prochain Post… euh… très prochain en fait ; il n’est pas midi que déjà un lève-tôt nous fait savoir – et surtout entendre – ses envies de festivités…à moins que ce soit de la dynamite…ou un attentat).

Non, non, non. La pire des pollutions sonores, c’est indiscutablement la voix de nos politiciens. En ce qui me concerne en tout cas. Je pense pouvoir dire sans exagérer qu’ils souffrent tous de graves problèmes auditifs. Ils s’entendent hurler ?? Le pire de tout, c’est qu’ils finissent par nous transmettre leurs troubles. Essayez de passer d’ « un discours politique quelconque sur une chaîne libanaise » à « Attention à la marche » sur tf1 (émission considérée comme relativement bruyante en France, avec des musiques insupportables et un animateur qui se prend une porte tous les matins avant ses enregistrements-plateaux). Vous verrez que vous ne pourrez pas vous empêcher d’augmenter le volume pour suivre convenablement l’émission de Reichmann. Normal, votre oreille s’est habituée aux décibels anormalement élevés de nos politiciens chéris (eurkk).

– Et ça recommence. Non mais t’as vu les références !?!? « Attention à la marche », quoi ! Elle se fout de nous ! Cette fois, vraiment, on s’casse !
– Vas-y, j’te rejoins, ça commence à être drôle…
– Pff ! Traître, vendu ! Toi, ça y est, dès que ça parle politique…

Ah non ! Je vous l’ai déjà dit, je ne parlerai pas politique sur ce blog. Aujourd’hui, je parle décibels. Lorsque vous écoutez un discours et que, comme moi, vous comprenez un mot d’arabe littéraire sur 2, vous n’avez d’autre choix que de vous focaliser sur les voix, les tonalités, le volume. Mon père m’a dit un jour qu’en politique, il fallait savoir lire entre les lignes. Moi j’ai lu entre les notes. Et je vous annonce, en exclusivité sur Beyrouth[in], que nous sommes un pays en guerre ! Croyez-le ou non, mais en filigrane dans tous les débats et discours politiques se cache une guerre de décibels. A raison de « une guerre par discours », soit une guerre par jour, voire par tranches de 4h.
Le but de nos politiciens n’est pas de faire passer des idées, mais de parler plus fort que l’autre. A ce propos, je sais de source sûre qu’il y a des postes de Conseillers en Volume Sonore (CVS) à pourvoir au sein de tous les partis (pour une fois qu’ils sont à l’unisson sur quelque chose). Le job consiste à se pointer aux discours, interviews et conférences de presse, muni d’un magnétophone qui enregistre les fréquences sonores des politiciens. Il s’agit ensuite d’analyser ces fréquences et de les comparer entre elles à l’aide d’un logiciel – plus ou moins performant, selon les moyens financiers du parti. Pour finir, le CVS conseille son mentor sur le volume à adopter pour gagner la guerre des 4h. Alors la prochaine fois, si vous remarquez que Michel Aoun parle plus fort que Samir Geagea, pensez au petit Conseiller en Volume Sonore. C’est lui qu’il faudra blâmer.

On a beau me dire que les politiciens parlent fort parce que la jeunesse libanaise s’est évaporée du pays et ne subsistent que les seniors et leurs problèmes auditifs. Moi, ils me font mal aux oreilles, ils me cassent la tête avec leurs hurlements quotidiens. Et puis, j’ai toujours l’impression que ce qu’ils racontent est grave.

Par pitié et pour la paix de mes oreilles, arrêtez de crier.

Le grand concurrent sonore de nos politiciens, c’est lui

Le CVS en plein travail d’analyse pendant la pause-déjeuner de nos politiciens

 

© Mia Sfeir
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